Numérisation des factures « papier »
On estime à 8,8 millions de tonnes la consommation annuelle de papier : C’est autant qui disparaissent de nos « verts-pâturages », bois & guérêts.
Il fallait faire quelque chose et le législateur s’y est employé avec courage et abnégation en pondant plusieurs lois.
On estime à 8,8 millions de tonnes la consommation annuelle de papier : C’est autant qui disparaissent de nos « verts-pâturages », bois & guérêts.
Il fallait faire quelque chose et le législateur s’y est employé avec courage et abnégation en pondant plusieurs lois.
De longue date, la destruction d’originaux papier
après numérisation existe soit dans le secteur privé après analyse de risque
(ex : chèques, …), soit dans le secteur public, après quelques autorisations
ponctuelles par les archives de Gauloisie (ex : numérisation et destruction des
dossiers MDPH dans certains Conseils Départementaux).
L’arsenal législatif récemment mis en œuvre va
magnifier et démultiplier cette approche. Ainsi, la modification récente de
l’article 1379 du Code Civil le 10 février 2016 « La copie fiable a la même force probante que l’original », la loi
du 29 décembre 2016, concernant la dématérialisation des factures et autres
pièces justificatives, l’ordonnance n°2017-29 du 12 janvier 2017 permettant la
destruction des dossiers médicaux papier ne sont que des exemples de
l’incitation majeure donnée par le législateur.
Les conditions de production d’une copie fiable étant
établies, les entreprises et organisations vont donc intégrer dans leur
réflexion et politique d’archivage la gestion de l’ensemble du cycle de vie du
document et de l’information depuis sa version originale (papier) jusqu’à sa
copie fidèle archivée électroniquement en intégrant notamment le changement de
support, la gestion du « double » sort final (papier et électronique) au
travers de solutions d’acquisition et d’archivage hybride adaptées.
Cette révolution se fait pour le plus grand bonheur
des utilisateurs qui sont désormais dans une expérience 100 % digitale.
L’objectif étant d’arriver au « zéro archive
papier ».
Il faut dire qu’au-delà de la déforestation que le
papier entraîne (qui reste relative puisqu’on replante les arbres abattus dans
les forêts « bien gérées ») et les pollutions induites (il faut blanchir
au chlore la pâte-à-papier), je peux vous assurer que le papier présente un
danger incendiaire certain…
Et une fois que ça s’emballe, ça devient
catastrophique.
D’un autre côté, la conservation mais surtout l’exploitation
d’archives numérisées pourrait se révéler énergétivore.
Mais peu importe.
La loi de finances 2017 a su modifier l’article L.102
B du LPF (livre des procédures fiscales) (Modifié par LOI n° 2016-1918 du 29
décembre 2016 – art. 16 (V)) :
« I. - Les livres, registres, documents ou pièces sur
lesquels peuvent s'exercer les droits de communication, d'enquête et de
contrôle de l’administration doivent être conservés pendant un délai de six ans
à compter de la date de la dernière opération mentionnée sur les livres ou
registres ou de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établis.
Sans préjudice des dispositions du premier alinéa,
lorsque les livres, registres, documents ou pièces mentionnés au premier alinéa
sont établis ou reçus sur support informatique, ils doivent être conservés sous
cette forme pendant une durée au moins égale au délai prévu au premier alinéa
de l'article L. 169.
Sans préjudice du premier alinéa du présent I, lorsque
les documents et pièces sont établis ou reçus sur support papier, ils peuvent
être conservés sur support informatique ou sur support papier, pendant une
durée égale au délai prévu au même premier alinéa. Les modalités de
numérisation des factures papier sont fixées par arrêté du ministre chargé du
budget.
Les pièces justificatives relatives à des opérations
ouvrant droit à une déduction en matière de taxes sur le chiffre d’affaires
sont conservées pendant le délai prévu au premier alinéa.
Les registres tenus en application du 9 de l'article
298 sexdecies F du code général des impôts et du 5 de l’article 298 sexdecies G
du même code sont conservés pendant dix ans à compter du 31 décembre de l'année
de l'opération.
I bis. - Les informations, documents, données,
traitements informatiques ou système d'information constitutifs des contrôles
mentionnés au 1° du VII de l'article 289 du code général des impôts et la
documentation décrivant leurs modalités de réalisation doivent être conservés
pendant un délai de six ans à compter de la date à laquelle les documents ou
pièces ont été établis, sur support informatique ou sur support papier, quelle
que soit leur forme originale.
II. - Lorsqu'ils ne sont pas déjà mentionnés aux I ou
I bis, les informations, données ou traitements soumis au contrôle prévu au IV
de l’article L. 13 doivent être conservés sur support informatique jusqu’à l’expiration
du délai prévu au premier alinéa de l'article L. 169. La documentation relative
aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements doit être
conservée jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle à laquelle
elle se rapporte.
NOTA : Conformément au III de l’article 16 de la loi
n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, les dispositions du présent article, dans
leur rédaction issue du II du même article de la même loi, entrent en vigueur à
la date de publication de l’arrêté du ministre chargé du budget prévu au
troisième alinéa du I de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales,
et au plus tard le 31 mars 2017. »
Et l’arrêté fixant les modalités de numérisation par
les assujettis à la TVA des factures établies ou reçues sur support papier et
de l’archivage des factures ainsi numérisées est enfin paru.
Il en ressort que :
1. Jusqu’à l’intervention de la loi de finances
rectificative pour 2016, les factures « papier » devaient être conservées et
stockées sous leur forme originelle pendant six ans. L’article 16 de cette loi
a assoupli les modalités de conservation et de stockage des documents
comptables et de leurs pièces justificatives afin notamment de permettre aux
entreprises qui le souhaitent la conservation sous forme dématérialisée des
factures établies ou reçues sur support papier.
2. L’entrée en vigueur de cette mesure a été fixée à
la date de publication d’un arrêté devant préciser les modalités de
numérisation et au plus tard au 31 mars 2017. Les modalités de numérisation des
factures papier et les règles de conservation des factures numérisées ont été
publiées, un jour avant la date butoir, dans un arrêté du 22 mars 2017 (JO du
30 texte n° 14). Elles sont codifiées sous un nouvel article A 102 B-2 du LPF.
3. Le transfert des factures établies originairement
sur support papier vers un support informatique doit être réalisé dans des
conditions garantissant leur reproduction à l’identique. Le résultat de cette
numérisation est la copie conforme à l’original en image et en contenu.
Les couleurs sont reproduites à l’identique en cas de
mise en place d’un code couleur. Les dispositifs de traitements sur l’image
sont interdits. En cas de recours à la compression de fichier, cette dernière
doit s’opérer sans perte.
4. L’archivage numérique des factures établies
originairement sur support papier peut être effectué par l’assujetti ou par un
tiers mandaté à cet effet. Les opérations d’archivage numérique des factures
papier sont définies selon une organisation documentée, faisant l’objet de
contrôles internes, permettant d’assurer la disponibilité, la lisibilité et
l’intégrité des factures ainsi numérisées durant toute la durée de
conservation.
5. Par ailleurs, afin de garantir l’intégrité des
fichiers issus de la numérisation, chaque document ainsi numérisé est conservé
sous format PDF (Portable Document Format) ou sous format PDF A/3 (ISO 19005-3)
dans le but de garantir l’interopérabilité des systèmes et la pérennisation des
données, et est assorti : soit d’un cachet serveur fondé sur un certificat
conforme au moins au référentiel général de sécurité (RGS) de niveau une
étoile, soit d’une empreinte numérique, soit d’une signature électronique
fondée sur un certificat conforme au moins au RGS de niveau une étoile, soit de
tout dispositif sécurisé équivalent fondé sur un certificat délivré par une
autorité de certification figurant sur la liste de confiance française
(Trust-service Status List-TSL).
Chaque fichier doit être horodaté, au moins au moyen
d’une source d’horodatage interne, afin de dater les différentes opérations
réalisées.
6. L’entrée en vigueur de la possibilité de
numérisation des factures papier et de l’archivage numérique ayant été fixée
par la loi à la date de publication de l’arrêté qui en définit les modalités,
les entreprises peuvent numériser les factures « papier » depuis le 30 mars
2017.
À noter : il n’est toutefois pas précisé si cette
possibilité ne vise que les factures papier émises ou reçues à compter de cette
date ou si elle peut concerner également les factures en « stock » à la même
date. Des précisions administratives sur ce point seraient les bienvenues.
C’était important de vous le faire savoir (même si
vous n’en avez rien à faire).
Tout juste, vous rendez-vous compte que d’une « norme »
consensuelle, on en passe d’abord par une loi, puis ensuite un décret qui vient
ainsi créer ex-nihilo un « nouveau-marché »
contraignant.
C’est encore ce qui se passe quand on vous impose de
faire vos déclarations sur Internet (tant pis pour ceux qui ne maîtrisent pas
encore), voire vos télépaiements.
Attention, si vous êtes comme moi à oublier vos
mots-de-passe parce que le banquier vous demande d’en changer tous les mois, bé
vous allez au guichet pour consulter les soldes de vos comptes et continuez d’émettre
des chèques-papier pour payer vos fournisseurs et leurs factures…
C’est quand même assez stupide que, partant d’une idée
simple de « dématérialisation », les « sachants »
parviennent finalement à créer de toute pièce un enfer kafkaïen.
Mais c’est comme ça.
Notez quand même que mon pays ne fait que prendre le
train en marche. Il faut signaler le décret n° 2016-1673 du 5 décembre dernier venu
remplir le vide entourant les conditions qui permettent d’affirmer qu’une copie
numérique est fiable. Ce texte fait en réalité écho à la loi PSDC en vigueur
depuis 2015 au Luxembourg, et au Digital Act en Belgique déployé en octobre
2016.
Les cadres légaux se multiplient en Europe autour de
la dématérialisation et des procédés électroniques. Après le règlement eiDAS en
juillet 2016 autour de l’horodatage, des cachets et de la signature
électroniques, un cadre légal entoure désormais la copie numérique en « Gauloisie-paperassière ».
Jusqu’à présent, seules des normes fixaient les règles du jeu. Aujourd’hui,
législation et normes se complètent pour accélérer les projets de
dématérialisation dans tous les secteurs d’activité et développer le marché de
l’archivage électronique.
Mon pays (celui que j’aime tant…) ne fait finalement
que suivre l’exemple du Luxembourg où depuis plus de dix ans le gouvernement
souhaite développer des activités autour de la digitalisation et des datacenter
et n’a pas hésité à réformer le régime juridique de l’archivage. Ainsi, en
juillet 2015, le Grand-Duché a promulgué une loi sur l’archivage électronique à
valeur probante. L’objectif étant de couper le cordon ombilical liant les
organisations aux documents papier et d’alléger leurs devoirs en matière
d’archivage.
La loi PSDC (Prestataire de Services de
Dématérialisation ou de Conservation) permet, en effet, à une copie
électronique de conserver la même valeur probante que son original papier, à
condition que cette copie soit établie et conservée par un prestataire certifié
PSDC.
Elle permet surtout de détruire le papier original et
définit ce qu’est un tiers de confiance. Ainsi, si une organisation a fait
appel à un prestataire PSDC pour archiver ses documents électroniques, le juge
ne peut pas les rejeter en cas de contentieux.
Cette loi PSDC s’appuie sur le référentiel ISO/IEC
27001 dédié au management de la sécurité de l’information et constitue la pièce
manque du puzzle de la complète dématérialisation d’un processus. Les
organisations n’ont donc maintenant plus besoin de conserver le papier. Pas
tellement parce que l’archivage électronique leur offre une solution forte,
mais plutôt pour tout ce qu’il apporte autour de la dématérialisation, en
termes de productivité, d’efficacité et de sécurité.
La loi PSDC renforce également la confiance des
organisations luxembourgeoises dont beaucoup effectuent une partie de leur
business à l’étranger.
Ainsi, en cas un litige avec une contrepartie située
dans un autre pays, elles pourront produire un document électronique archivé
avec le tampon PSDC. Tout simplement parce qu’un juge étranger ne peut ignorer
le cadre luxembourgeois et parce qu’avec le règlement eIDAS tous les pays de
l’Union Européenne tendent vers cette homogénéisation juridique.
La Belgique aussi a développé un cadre d’archivage
électronique basé sur le règlement eiDAS.
En « Gauloiserie-des-sachants »,
contrairement à la certification PSDC, aucune obligation légale n’impose
directement le recours aux normes NF Z 42-013 ou ISO 14-641. Reste que les
normes apportent toujours des garanties susceptibles de renforcer la confiance
et de faciliter le déploiement de la dématérialisation.
Dans ce contexte, les organisations qui échangent dans
un cadre transfrontalier vont là où l’herbe est la plus verte et choisissent la
domiciliation juridictionnelle locale la plus favorable (Luxembourgeoise et donc
désormais Belge ou gauloisienne), tout en profitant de la primauté européenne
eIDAS sur tout texte local.
Astucieux, non ?
D’où la réponse du berger à la bergère et d’établir un
cadre légal et réglementaire rassurant pour éviter les délocalisations…
Là, ça valait la peine de vous en avertir.
Bien à vous toutes et tous.
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